Revenir au site

Winter is coming (26/11/17)

Winter is coming

La défiance envers les réseaux sociaux grandit. Un temps les alliés de la démocratie, peuvent-ils devenir son ennemi ?

 

«Winter is coming». Cette expression - L’hiver arrive - ne relève en rien d’une quelconque prévision météo sur les températures des prochains jours. Pour tous les passionnés de séries télévisées, on aura reconnu l’une des répliques de «Game of Thrones», la série culte qui met en scène, sur des continents fictifs, plusieurs familles nobles engagées dans une guerre sans pitié pour conquérir le Trône de Fer du Royaume des Sept Couronnes. Dans cet univers de chaos, cet « hiver qui arrive » est lui plutôt synonyme de batailles et de luttes pour la préservation et la conquête de nouveaux territoires. Et comme si cette prophétie ne suffisait pas, les personnages «shakespeariens» de cette saga n’en finissent pas de rappeler que « le pire est à venir », signifiant que cette guerre des royaumes est appelée à durer. Loin de la fiction hollywoodienne, cet avertissement « Winter is coming » se répand dans notre monde, celui-ci bien réel, pour évoquer les dangers et dérapages des réseaux sociaux. Un temps adulés car vus comme une bénédiction, un malaise grandissant gagne désormais la planète web : et si les réseaux sociaux étaient finalement devenus un handicap pour la démocratie ?

 

Le temps parait déjà lointain où Facebook, Twitter et les autres réseaux sociaux étaient considérés comme les alliés objectifs de la démocratie. Grâce à ces technologies, l’Humanité connectée allait enfin pouvoir disposer d’un outil d’une telle puissance sociale et politique que plus aucun dictateur ne pourrait leur résister. Des manifestations de la place Maidan à Kiev jusqu’à la destitution de Viktor Ianoukovitch en passant par la chute de l’ex-président égyptien Moubarak ou encore les manifestations du Printemps arabe sans oublier le mouvement étudiant prodémocratie de 2014 à Hong Kong, les réseaux sociaux ont permis à de simples citoyens d’agir et de se rassembler autour d’une cause commune afin d’ébranler des systèmes politiques. Synonymes de pluralité, de démocratie et de progrès, les réseaux sociaux devinrent des fenêtres ouvertes sur le monde, sorte de web rêvé permettant à quiconque de partager des informations et de collaborer par-delà les frontières.

 

Propagande à grande échelle

Cette vision prophétique des réseaux sociaux n’est plus exactement celle que l’on a connu en tant que système empathique. Non seulement, la concentration des pouvoirs des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et autres BATX chinois (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) pose problème, mais la confiance dans les réseaux sociaux s’érode. Il faut dire que l’actualité de ces derniers mois ne plaide pas en leur faveur. Si à l’échelle des individu les réseaux sociaux sont pointés du doigt pour le temps qu’ils nous « volent » - diverses études soulignent que nos activités sur les réseaux sociaux équivalent à 5 ans et 4 mois de notre vie -, les sujets d’inquiétude liés à la santé ne manquent pas : baisse d'activité physique, pathologies psychiques, détournement de l’attention…

 

A plus large échelle, se pose la question de l'impact de ces réseaux sociaux sur la vitalité de la démocratie. A la lumière de l’actualité politique de ces derniers mois (victoire du Brexit, élections présidentielles aux Etats-Unis et en France, élections en Allemagne…), à chaque fois, les mêmes réseaux sociaux (Facebook, Twitter) ayant été cités en tant que vecteurs d’attaques anti-démocratiques, entendues comme moyen de propager de fausses informations susceptibles d’aboutir à des résultats tronqués. Difficile à combattre, ces fake news répandues par des trolls se servant des réseaux sociaux pour se répandre et proliférer au sein de communautés acquise à leurs causes. Facebook ayant récemment admis qu'il avait sous-estimé l'ampleur de l'exposition des Américains aux publications de messages politiques par des acteurs russes afin d'influencer le débat politique aux États-Unis. Combien d’électeurs ont vu, lu ou se sont fiés aux 80.000 messages politiques publiés sur Facebook entre juin 2015 et août 2017 par des acteurs russes et cela afin d'influencer le débat dans un sens plus favorable au candidat Républicain ? Le chiffre de 10 millions circule (soit environ 5% de l’ensemble des électeurs). Facebook ayant d’ailleurs fait amende honorable en apportant au Congrès plusieurs milliers de copies de messages publicitaires achetés par des omptes basés en Russie.

 

Tenter de reprendre la main

À l’exception de ceux qui en tirent profit, il n’est pas aisé pour les gouvernements et les citoyens de se prémunir contre cette face sombre des réseaux sociaux. Etant avant tout des media commerciaux qui assoient leur valorisation sur leur capacité à être vus le plus souvent possible et par le plus grand nombre l’enjeu futur, pour eux comme pour les Etats, étant de créer un espace « non pollué ». Sur ce point, les choses sont loin d’être gagnées même si des initiatives politiques sont prises à l’instar d’un projet de loi allemand qui prévoit que les réseaux sociaux auront un délai de 24 heures après leur signalement pour supprimer ou bloquer les "publications manifestement délictueuses". Aux Etats-Unis, plusieurs sénateurs ont présenté un projet de loi, “Honest Ads Act” (loi sur les publicités honnêtes) qui appliquerait aux réseaux sociaux les mêmes règles de vérification de publicité que celles qui s’appliquent pour la presse écrite, la radio ou encore la télévision. Les rédacteurs de ce projet de loi espèrent que cette loi pourra être votée avant les élections de mi-mandat, en 2018. Aux dernières nouvelles, la partie est loin d’être gagnée.

 

On aurait tort de condamner sans réserve tous les réseaux sociaux en les mettant dans le même bain du déni de démocratie ou en les vouant aux gémonies au motif qu’ils n’incarnent plus l’espérance numérique. Si à n’en plus douter, cette prise de conscience sur les dangers démocratiques des réseaux sociaux est désormais largement admise vu leur emprise sur près de la moitié de l’Humanité, ce combat politique, au sens noble du terme, ne fait que commencer. Quelques jours après l'élection du nouveau président des Etats-Unis Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, précisa qu'il serait «fou de croire que de fausses informations circulant sur Facebook auraient biaisé le vote en faveur de Donald Trump ». Pas de doute, « winter is coming ».

 

http://www.latribune.fr/technos-medias/internet/fake-news-l-allemagne-veut-sanctionner-financierement-les-reseaux-sociaux-679747.html

La défiance envers les réseaux sociaux grandit. Un temps les alliés de la démocratie, peuvent-ils devenir son ennemi ?

«Winter is coming». Cette expression - L’hiver arrive - ne relève en rien d’une quelconque prévision météo sur les températures des prochains jours. Pour tous les passionnés de séries télévisées, on aura reconnu l’une des répliques de «Game of Thrones», la série culte qui met en scène, sur des continents fictifs, plusieurs familles nobles engagées dans une guerre sans pitié pour conquérir le Trône de Fer du Royaume des Sept Couronnes. Dans cet univers de chaos, cet « hiver qui arrive » est lui plutôt synonyme de batailles et de luttes pour la préservation et la conquête de nouveaux territoires. Et comme si cette prophétie ne suffisait pas, les personnages «shakespeariens» de cette saga n’en finissent pas de rappeler que « le pire est à venir », signifiant que cette guerre des royaumes est appelée à durer. Loin de la fiction hollywoodienne, cet avertissement « Winter is coming » se répand dans notre monde, celui-ci bien réel, pour évoquer les dangers et dérapages des réseaux sociaux. Un temps adulés car vus comme une bénédiction, un malaise grandissant gagne désormais la planète web : et si les réseaux sociaux étaient finalement devenus un handicap pour la démocratie ?

Le temps parait déjà lointain où Facebook, Twitter et les autres réseaux sociaux étaient considérés comme les alliés objectifs de la démocratie. Grâce à ces technologies, l’Humanité connectée allait enfin pouvoir disposer d’un outil d’une telle puissance sociale et politique que plus aucun dictateur ne pourrait leur résister. Des manifestations de la place Maidan à Kiev jusqu’à la destitution de Viktor Ianoukovitch en passant par la chute de l’ex-président égyptien Moubarak ou encore les manifestations du Printemps arabe sans oublier le mouvement étudiant prodémocratie de 2014 à Hong Kong, les réseaux sociaux ont permis à de simples citoyens d’agir et de se rassembler autour d’une cause commune afin d’ébranler des systèmes politiques. Synonymes de pluralité, de démocratie et de progrès, les réseaux sociaux devinrent des fenêtres ouvertes sur le monde, sorte de web rêvé permettant à quiconque de partager des informations et de collaborer par-delà les frontières.

Propagande à grande échelle

Cette vision prophétique des réseaux sociaux n’est plus exactement celle que l’on a connu en tant que système empathique. Non seulement, la concentration des pouvoirs des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et autres BATX chinois (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) pose problème, mais la confiance dans les réseaux sociaux s’érode. Il faut dire que l’actualité de ces derniers mois ne plaide pas en leur faveur. Si à l’échelle des individu les réseaux sociaux sont pointés du doigt pour le temps qu’ils nous « volent » - diverses études soulignent que nos activités sur les réseaux sociaux équivalent à 5 ans et 4 mois de notre vie -, les sujets d’inquiétude liés à la santé ne manquent pas : baisse d'activité physique, pathologies psychiques, détournement de l’attention…

A plus large échelle, se pose la question de l'impact de ces réseaux sociaux sur la vitalité de la démocratie. A la lumière de l’actualité politique de ces derniers mois (victoire du Brexit, élections présidentielles aux Etats-Unis et en France, élections en Allemagne…), à chaque fois, les mêmes réseaux sociaux (Facebook, Twitter) ayant été cités en tant que vecteurs d’attaques anti-démocratiques, entendues comme moyen de propager de fausses informations susceptibles d’aboutir à des résultats tronqués. Difficile à combattre, ces fake news répandues par des trolls se servant des réseaux sociaux pour se répandre et proliférer au sein de communautés acquise à leurs causes. Facebook ayant récemment admis qu'il avait sous-estimé l'ampleur de l'exposition des Américains aux publications de messages politiques par des acteurs russes afin d'influencer le débat politique aux États-Unis. Combien d’électeurs ont vu, lu ou se sont fiés aux 80.000 messages politiques publiés sur Facebook entre juin 2015 et août 2017 par des acteurs russes et cela afin d'influencer le débat dans un sens plus favorable au candidat Républicain ? Le chiffre de 10 millions circule (soit environ 5% de l’ensemble des électeurs). Facebook ayant d’ailleurs fait amende honorable en apportant au Congrès plusieurs milliers de copies de messages publicitaires achetés par des omptes basés en Russie.

Tenter de reprendre la main

À l’exception de ceux qui en tirent profit, il n’est pas aisé pour les gouvernements et les citoyens de se prémunir contre cette face sombre des réseaux sociaux. Etant avant tout des media commerciaux qui assoient leur valorisation sur leur capacité à être vus le plus souvent possible et par le plus grand nombre l’enjeu futur, pour eux comme pour les Etats, étant de créer un espace « non pollué ». Sur ce point, les choses sont loin d’être gagnées même si des initiatives politiques sont prises à l’instar d’un projet de loi allemand qui prévoit que les réseaux sociaux auront un délai de 24 heures après leur signalement pour supprimer ou bloquer les "publications manifestement délictueuses". Aux Etats-Unis, plusieurs sénateurs ont présenté un projet de loi, “Honest Ads Act” (loi sur les publicités honnêtes) qui appliquerait aux réseaux sociaux les mêmes règles de vérification de publicité que celles qui s’appliquent pour la presse écrite, la radio ou encore la télévision. Les rédacteurs de ce projet de loi espèrent que cette loi pourra être votée avant les élections de mi-mandat, en 2018. Aux dernières nouvelles, la partie est loin d’être gagnée.

On aurait tort de condamner sans réserve tous les réseaux sociaux en les mettant dans le même bain du déni de démocratie ou en les vouant aux gémonies au motif qu’ils n’incarnent plus l’espérance numérique. Si à n’en plus douter, cette prise de conscience sur les dangers démocratiques des réseaux sociaux est désormais largement admise vu leur emprise sur près de la moitié de l’Humanité, ce combat politique, au sens noble du terme, ne fait que commencer. Quelques jours après l'élection du nouveau président des Etats-Unis Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, précisa qu'il serait «fou de croire que de fausses informations circulant sur Facebook auraient biaisé le vote en faveur de Donald Trump ». Pas de doute, « winter is coming ».