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BOTS en stock (01/11/16)

BOTS en stock (01/11/16)

ChatBots, CoBots et autres Botnets font déjà partie de notre quotidien. Toutes ces machines, dopées à l’intelligence artificielle et programmées pour interagir avec les humains, sont-elles capables d’empathie ?

Dans le petit livre « ChatBot le robot, drame philosophique en quatre questions et cinq actes », l’auteur Pascal Chabot[1] met en scène une conversation entre une intelligence artificielle capable de converser (le verbe « chat » en anglais) avec une assemblée de penseurs pressés de savoir si la machine, à qui on a appris les rudiments de la philosophie, peut réfléchir par elle-même et répondre à la question « Savez-vous philosopher ? ». Après quelques minutes de réflexion, le ChatBot répliqua que « La philosophie est certes une création humaine, mais rien n’oblige à admettre que seuls les humains peuvent la pratiquer. Si vous pensez qu’il est contradictoire d’être ChatBot et philosophe, je demande quant à moi s’il n’est pas plus contradictoire d’être humain et amoureux de la sagesse.» Bien sûr, nous sommes ici en pleine fiction mais la place croissante des robots dans notre société - qu’ils soient Chatbots (programmes informatiques avec lesquels il est possible d’interagir en langage naturel, que ce soit par la voix ou par l’écrit), CoBots (robots collaboratifs employés dans un cadre de travail) ou Botnets (réseaux de machines et d’objets connectés) – nous interpelle sur les défis de l’intelligence artificielle et des progrès rapides de l’apprentissage par les machines[2].

L’avenir radieux des Bots

Question : “Quel est le meilleur taux de crédit pour l’achat de mon appartement ?” Réponse : “Bonjour M.X. C’est effectivement le moment d’acheter ! Prenons vite rendez-vous pour que je vous présente toutes nos solutions qui répondrons à vos attentes”. Cette conversation entre un client et une banque ne se déroule ni sur un forum Internet, ni sur l’application mobile de la banque mais sur la page Facebook Messenger « équipée » d’un Chatbot. Disponibles sur principaux réseaux sociaux (Facebook Messenger, WeChat, WhatsApp…) ou par SMS, ces logiciels conversationnels se répandent rapidement dans les services clients des grandes marques. Utilisant des programmes d’intelligence artificielle, ces robots conversationnels sont capables de mener de véritables conversations avec leurs clients. Côté utilisateur, il est presque impossible de deviner que les réponses apportées sont l’œuvre d’une machine à qui on a appris à « comprendre » les questions et à y répondre en piochant dans ses bases de données régulièrement enrichies. En résumé, une version moderne du classique serveur vocal auquel on a rajouté une couche d’intelligence artificielle pour converser de façon autonome. Partout où les interactions avec les clients sont nombreuses, ces Chatbots vont sans doute prendre la main de la relation avec les clients.

Dans les secteurs du transport ou de la banque, ces assistants virtuels offrent une grande disponibilité à moindres coûts. En décembre prochain, Royal Bank of Scotland[3] mettra à disposition d’une partie de ses clients un Chatbot conçu avec IBM. Celui-ci sera chargé de désengorger les centres d'appels de la banque en prenant en charge les demandes les plus simples et orientera les clients vers des conseillers lorsque les questions posées seront trop complexes. Outre que ces Chatbots fonctionnent 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, ils ont également l’énorme avantage d’apprendre par eux-mêmes et en particulier de leurs propres erreurs… Le rêve de tout directeur de la relation clients à la recherche d’une expérience client simplifiée !

Ces agents conversationnels se multiplient au point de supplanter les sites internet et les applications téléchargées sur smartphones. Pour les géants du numériques, l’objectif est que ces Bots deviennent une nouvelles interface commerciale incontournable comme le sont déjà les réseaux sociaux qui font partie de nos vies. Pour l’utilisateur, il ne sera plus nécessaire de passer d’une application à une autre car Facebook (1 milliard d’utilisateurs) et autres WhatsApp… intégreront ces technologies d’intelligence artificielle tournées vers les usages de conversations automatiques. Via ces programmes de mise en contact instantané, ces grands groupes du numérique auront une connaissance encore plus fine de leurs utilisateurs, par ailleurs clients de ces futurs « Bot stores ». « L’ami » avec qui on pensera dialoguer en direct sur son réseau social préféré risque en fait d’être une machine ayant une parfaite connaissance de nos goûts et de notre personnalité grâce aux informations personnelles qu’elle assemblera  en une fraction de secondes en fouillant dans d’immenses bases de données.

Des machines douées d’empathie ?

Cette ruée vers les bots à laquelle nous devrions assister au cours des prochaines années ne doit pas nous faire oublier que ces machines peuvent aussi « avoir de mauvaises fréquentations ». Qu’ils s’agissent de botnets (réseaux de machines avec un virus (malware) qui peuvent être utilisés pour mener une cyber-attaque à l’instar de celle dont ont récemment été victimes des serveurs de la côte Est des Etats-Unis) ou de l’emballement de programmes d’intelligence artificielle (chatbot Tay[4] de Microsoft, déconnecté par ses concepteurs quelques heures après sa mise en ligne au motif que des tchatteurs mal intentionnés avaient poussé la technologie dans ses retranchements en lui faisant écrire des énormités sur son compte Twitter) les machines sont loin d’être infaillibles même si leurs desseins premiers et d’être utiles aux humains.

C’est en lien avec cette quête d’utilité, que de nombreux chercheurs travaillent sur la mesure des sentiments afin d’essayer de modéliser l’empathie humaine. Qu’il s’agisse de thérapeutes virtuels[5], de robots qui assistent des enseignants qui travaillent à l’éveil de personnes autistes ou encore de lunettes "connectées" qui analysent l'humeur de leurs porteurs… la robotique et l’intelligence artificielle se concentrent sur la capacité des machines à comprendre les émotions humaines. Au moyen de systèmes tels que smile tracker[6], caméra intégrée à l’ordinateur qui scanne l’utilisateur ou de programmes de reconnaissance des émotions[7] au moyen d’algorithmes capables d’analyser les muscles du visage pour déterminer un état émotionnel, les ordinateurs analysent de mieux en mieux nos ressentis et nos humeurs. Pour autant, et c’est une bonne chose, deux domaines restent fermés aux machines car presque impossibles à modéliser : d’une part, l’expérience sensible, en tant que compréhension et analyse des pensées d’autrui, et d’autre part, le bons sens entendu comme intelligence émotionnelle. Souhaitons que ces deux caractéristiques restent encore longtemps l’apanage de notre espèce y compris quand, en 2045, et selon les experts de Google, l’intelligence artificielle sera un milliard de fois plus puissante que tous les cerveaux humains réunis.

Chronique publiée initialement pour le blog latribune.fr