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Sortez vos e-c@hiers ! (29/08/16)

Sortez vos e-c@hiers !

Le numérique révolutionne l’école. Il met à la portée de tous les savoirs, libère l'enseignement classique de ses contraintes et donne à la formation professionnelle de nouvelles perspectives. Le monde éducatif « classique » est-il en voie d’uberisation ?

Après 16 années passées à la présidence de l'université de Stanford en Californie, John Hennessy [1]ne se lasse pas de répéter que le numérique révolutionne l'éducation. Pour celui qui réussi à hisser cette université à la première place mondiale dans les classements internationaux, les Mooc (Massive open online course, ou cours en ligne ouvert à tous), "flipped classroom" - classes inversées qui consistent à apprendre ses leçons en dehors des cours pour ensuite consacrer le travail en groupes pour approfondir des savoirs - ainsi que le recours au big data sont autant de nouveaux moyens qui permettent de personnaliser les enseignements et de favoriser les approches interdisciplinaires. Pour cet universitaire qui a vu naître sur son campus Google, Instagram, LinkedIn, et Snapshat, son credo est simple : apprendre à apprendre tout au long de sa vie. Dès le plus jeune âge, et pour survivre dans notre monde de plus en plus connecté, place à l’apprentissage de l’adaptabilité permanente en repensant les concepts de connaissance et de transmission.

Mon prof est un Mooc

Au cœur de cette révolution des savoirs, les Mooc (cours massifs en ligne selon l’anglicisme) font figure de stars. Avec ces cours en ligne, le plus souvent gratuits, et accessibles au plus grand nombre, il est possible d’apprendre presque toutes les disciplines en se passant de professeurs. En quelques effleurements de doigts, des centaines de cours d'universités prestigieuses font désormais partie du paysage éducatif et de celui de la formation continue. Avec les Mooc, le savoir est ainsi démultiplié et se trouve à la portée de millions de personnes quels que soient leurs âges ou leurs pays. Une sorte d’école sans maître, où l’élève apprend tout seul grâce à des cours diffusés sur internet, aux fiches Wikipédia et à des ouvrages disponible en ligne. Parmi les pionniers de cette révolution de l’enseignement, citons Salman Khan qui fonda en 2008, la Khan Academy[2], une plateforme de Moocs gratuits. En révolutionnant les façons d’apprendre, les Mooc sont promis à un bel avenir même si cette forme d’école numérique est considérée par les défenseurs de « l’école classique » comme une forme de  concurrence inédite obligeant les systèmes classiques à affirmer leur valeur et à accélérer leurs évolutions[3]. Rien qu’en France, là où l’éducation nationale reste le premier budget de l’Etat (146 milliards d’euros en 2014), la tentation est grande de voir dans le numérique un argument d’économie et ainsi de généraliser les cours dématérialisés à l’instar d’autres pays[4] dans lesquels les gouvernements ont fait le choix de proposer à des dizaines de milliers d’enfants de suivre leurs cours en ligne en reléguant les professeurs à un rôle de vérification de l’acquisition des savoirs.

Je code donc je suis

Outre les Mooc, l’école du XXIème siècle se devra également d’enseigner une nouvelle forme de grammaire universelle : celle du code informatique. Dès le plus jeune âge, l’apprentissage du codage est à coup sûr l’un des moyens les plus puissants pour comprendre le monde numérique qui nous entoure et ainsi cultiver sa capacité permanente d’apprentissage. Pour ce rendre compte de ce nouveau phénomène il suffit de regarder le succès du site américain Codecademy[5] qui encourage des centaines de milliers d'enfants à apprendre à coder, développant ainsi leurs facultés à affronter le monde moderne. En France, l’Ecole 42[6], école informatique gratuite financée par Xavier Niel. Sur la page d’accueil du site internet, l’ambition est donnée :  le manque de développeurs ralentit dangereusement les projets de transformation de nos entreprises et freine la création de milliers d’emplois induits. Pour les apprentis codeurs, pas d’examen d’entrée au sens d’une copie à remplir mais un « saut dans la piscine » : 4 semaines, à enchainer jour et nuit des exercices de codes pour former les futurs créateurs de Facebook ou de Google à la française. Dans cette école 3.0, nul besoin de rechercher les professeurs installés devant leurs tableaux noirs. A la place,  des rangées de Mac sur lesquels les aspirants codeurs conjuguent des codes informatiques et se forment grâce aux conseils prodigués par leurs congénères. Une sorte d’apprentissage peer-to-peer, communautaire, où chaque « élève » apprend en permanence des autres.  Ce vivier de codeurs aura prochainement son annexe américaine puisqu’en  novembre prochain, l’Ecole 42 version Silicon Valley verra le jour[7].

Encore besoin de diplômes ?

Ces nouvelles formes éducatives signeront-elles la mort des diplômes tels que nous les connaissons ? En d’autres termes, les futurs recrutements reposeront-ils sur la base exclusive d’un diplôme ? On peut faire le pari que les recruteurs ne se focaliseront plus seulement sur des capacités théoriques mais sur les aspirations personnelles et autres compétences particulières sans parler des commentaires laissées par ses pairs sur des sites comme LinkedIN… bref, la prise en compte de tout ce qui concoure à faire converger ce que nous adorons faire avec ce pour quoi nous sommes doués. Pour parvenir à ce meilleur du « soi-même », le numérique est une pièce essentielle de cet l'enseignement du futur ressuscitant en cela les écrits éclairés de Jean-Jacques Rousseau qui, dans L’Emile ou de l’Education, dresse ce portrait de l’élève idéal qui « juge, prévoit, raisonne en tout ce qui se rapporte immédiatement à lui. Ne jase pas, agit ; ne sait pas un mot de ce qui se fait dans le monde ; mais sait fort bien faire ce qui lui convient. »

Pour aller plus loin

Conseil National du Numérique  Jules Ferry 3.0, Bâtir une école créative et juste dans un monde numérique, oct 2014     http://cnnumerique.fr/wp-content/uploads/2014/10/Rapport_CNNum_Education_oct14.pdf